Un enseignement explicite

Les évaluations internationales récentes ont montré que les élèves français ne sont pas très performants en compréhension de textes. De nombreux chercheurs se sont donc emparés relativement récemment de cette question, et s’accordent pour dire que cette compétence nécessite un enseignement explicite, ce qui n’était pas vraiment dans les habitudes de l’enseignement français. Il est important de se rendre compte que certains élèves ne peuvent pas se représenter ce qu’est l’activité de comprendre, qui est invisible, et qu’il s’agit donc de rendre visible. Il est important travailler la compréhension sur les textes lus par l’adulte, à l’oral, même quand on commence à travailler sur des textes déchiffrés par les élèves au cycle 2. On peut ainsi travailler sur les caractéristiques des récits et de leurs personnages. Il est essentiel de commencer également rapidement à donner des procédures pour contrôler la compréhension au fur et à mesure de la lecture : relire jusqu’à comprendre, comprendre les reprises pronominales, comprendre le déroulement d’un texte en suivant les connecteurs… Des stratégies sont donc mises à jour, explicitées et entrainées. Dans une classe hétérogène, ce travail peut être fait en classe entière : les enfants les plus en difficulté pourront s’appuyer sur les stratégies des plus avancés, qu’il est alors fondamental d’expliciter. L’objectif n’est pas d’obtenir la bonne réponse à une question de compréhension, mais de faire dire comment faire et d’entrainer à faire. Les objectifs seront différents suivant les niveaux dans une classe à plusieurs cours, mais le texte de départ peut être le même.

Le cycle 2 est également le moment où les compétences acquises à l’oral à partir de textes lus par l’adulte doivent être petit à petit transférées dans les lectures autonomes des élèves, surtout à partir du milieu du cycle. « La manière dont les enseignants planifient les séances dédiées à la compréhension au cours de l’année et les tâches qu’ils retiennent en priorité exercent un effet sur les apprentissages des élèves. On observe ainsi que ceux (…) qui accroissent le temps qu’ils leur accordent au fil des trimestres, provoquent des effets positifs sur l’épreuve de compréhension des textes entendus, à la fin du CP, chez les élèves initialement faibles et intermédiaires. On constate également que le fait d’accroitre la durée des tâches de compréhension au cours de l’année scolaire engendre des progrès significatifs à l’épreuve de lecture autonome chez les élèves initialement faibles en compréhension. » (Goigoux, recherche Lire et écrire)

Du côté de la théorie

L’analyse des compétences à enseigner dans ce cadre repose essentiellement sur des recherches sur la compréhension menées par Sylvie Cèbe et Roland Goigoux. Ils ont ainsi modélisé leurs découvertes[1] :

Pour eux, la compréhension et la mémorisation des informations sont facilitées lorsque les enseignants incitent leurs élèves à construire des représentations visuelles des situations évoquées dans les textes : mime ou jeu dramatique, dessin… Il est donc important de privilégier les tâches qui incitent les élèves à un traitement actif. En corolaire, il ne faut pas compter sur les questionnaires de lecture pour enseigner la compréhension, car ils donnent la mauvaise habitude de placer la compréhension des élèves sous la dépendance des questions. Roland Goigoux et Sylvie Cèbe proposent également d’encourager le rappel de récit oral, ainsi que l’écriture privée au brouillon pour que les élèves justifient et recherchent avant la mise en commun, durant laquelle l’enseignant fera argumenter le plus possible.

[1] Lectorino, Lectorinette

Afin de faire progresser les élèves, il faut consacrer beaucoup de temps à faire appliquer une même procédure dans de nombreuses tâches. Les ateliers autonomes peuvent constituer un bon entrainement répétitif, après une phase explicite collective.

Concrètement, comment faire ?

Le travail de compréhension se fait essentiellement à l’oral, sur les textes choisis et lus par l’adulte au moins une fois. A partir d’une progression établie des stratégies à enseigner, le travail de compréhension est fondé essentiellement sur des compétences de raconter et d’argumenter qui s’acquièrent de manière parallèle à celles de compréhension. Le travail se fait tout d’abord en classe entière. Il est important de ne pas hésiter à laisser les élèves les plus fragiles redire avec leurs mots ce qu’un autre a exprimé, pour qu’ils puissent eux aussi verbaliser ce qu’ils ont compris. La compréhension peut ensuite s’enrichir en petits groupes, pour aller plus loin dans l’interprétation avec les CE2, ou pour entrainer le récit des élèves de CP par exemple.

Lorsque la stratégie a été explicitée, elle est entrainée à l’oral, mais également à l’écrit pour les enfants lecteurs. Elle peut donner lieu à un travail sur de nouveaux textes longs, ou à un travail plus modulaire sur de petits textes à lire en autonomie.

Ressources

Cette approche nécessite donc une programmation des stratégies de compréhension en lien avec les textes proposés, que vous pouvez retrouver ici : 

Ces compétences enseignées vont donner lieu pour certaines à la mise en place de traces écrites explicites. Celles-ci gagnent à être construites avec les élèves, de manière collective. Elles peuvent être collées dans un cahier pour les CE1 qui pourront les relire. Pour vous inspirer, voici des propositions. Vous y trouverez pour chaque page les illustrations en grand format pour construire l’affiche collective avec les élèves :